(English below)
Au bout de leurs perches les chevaux tournent, prisonniers dans la ronde d’un vieux carrousel mécanique. La caméra est fixe, centrée sur la scène. On dirait du Méliès. A l’entour le sol est nu.
Au fond se distinguent quelques maisons dans la végétation, la pagode d’une toiture qui répond au chapeau chinois du manège. Le son des criquets annonce déjà le soir. Puis c’est une voix qui
commence, qui pose sur l’image l’inquiétude et le trouble de ses rêves nocturnes. Plus tard c’est une autre voix qui livrera un autre rêve, jusqu’à la dernière image.
On ne sait comment, un homme est apparu, juché sur l’un des chevaux. Puis il disparaît, bientôt remplacé par des enfants qui enfourchent les montures en pleine course, tournent et s’envolent pour
disparaître à leur tour, comme escamotés. On devine quelque chose ou un trucage, un trompe-l’oeil dans le paysage. Des sortes de pendrillons floutés, électroniques, ont été suspendus à cour et à
jardin, par lesquels on entre ou on sort à volonté. Sur la route les passants passent, indifférents aux passe-murailles et aux voix qui disent les angoisses de la nuit.
De temps en temps un machiniste actionne la manivelle et le carrousel accélère, ou bien c’est la vidéo qui ralentit, s’inverse. Pris eux aussi dans cette irréalité, les chevaux se désagrègent en
longues traînes filamenteuses.
Nelly Massera a toujours à faire avec l’entre-deux, avec les situations intermédiaires. L’enfance en est une. L’animalité en est une autre. Les carrousels, elles les a donc repérés depuis
longtemps. Mais pour que quelque chose en sorte, il lui fallait peut-être l’Inde, pays où la vie intérieure est un projet philosophique, mais aussi pays du temps cyclique et de la réincarnation.
Dans cette vidéo, rêve et carrousel se superposent. Mais même livré, même publié le rêve reste intime et conserve sa part irréductible tandis qu’à l’image, le carrousel est ouvert et
public.
Pour qu'il y eut rencontre il devait se passer quelque chose que l'on ne retrouve que quand l'image finit par dire l'indicible, quelque chose de profondément émouvant, une vision. Cela s’appelle
video, “je vois”.
JBdorner
“Cyclical ghosts”
Video Hdv, color, sound, 16’30
At the end of their poles the horses turn, imprisoned in the circle of an old mechanical merry-go-round. The camera is fixed and focuses the middle of the stage. It reminds us of Méliès. All
around the ground is bare. In the background we distinguish some houses surrounded by vegetation, a pagoda roof which coincides with the coolie hat on top of the merry-go-round. The sound of
locusts already announces the evening. Then a voice makes itself heard, charging up the image with anxiety and trouble of nightly dreams. Later on another voice delivers another dream, up to the
very last image.
We don’t know how, but a man did appear, perched upon one of the horses. Then he disappears, soon replaced by children who get on their mounts at full speed, turning and rushing off to disappear
as well, as if they were conjured away. One suspects something, either a faking or a trompe-l’œil in the landscape. Some kind of blurred electronic leg drops were hung in front of the side wings,
through which one goes on and off unlimitedly. On the road, people pass by, not taking notice of ghosts going through walls and voices expressing the anguish of night.
From time to time, the effects man pushes the crank and the merry-go-round goes faster, or it's the video that slows down, reverses. Also caught in this unreality, the horses disintegrate
into long filamentous trains of cloth.
NellyM is always concerned with the in-between, intermediary situations. Childhood being one of them, animality the other. Merry-go-rounds, she did spot them ages ago. But to do something with
them, perhaps she needed India, a country where inner life is a philosophical project, but also a country of cyclical time and reincarnation. In this video, the dream and the merry-go-round are
superimposed. But even when delivered, even when published, the dream remains intimate and keeps its irreducible element, even though, in the image itself, the merry-go-round is open and
public.
In order to make an encounter take place something had to happen which only occurs when the image shows the inexpressible, something profoundly moving, a vision. This is called video, “I see”.
translation Mike Sens