En juillet 2006 je suis partie en camionnette, sponsorisée par les Magasins Super U et des partenaires culturels, suivre les 3600 km d’étapes du Tour de
France...
Me voilà emportée par la frénésie, la vitesse, la vision des corps luttant avec les éléments, …et moi aussi au bord de la route vivant l’attente, puis l’embrasement
au passage de la caravane, à l’apparition des corps héroïques qui laissent tout à coup le paysage comme vidé, passé.
Mais le Tour c’est aussi et surtout une grande machine médiatique. Spectacle d’images télé qui créent un lien mythique et fictionnel entre le destin glorieux de
quelques héros et les téléspectateurs. Le binôme du pilote et du cameraman suit les coureurs et les filme au plus près. A côté du héros-vélo naît une nouvelle figure, celle du ‘héros-caméra’, sa
dimension est celle de l’Hydre, de Cyclope ou du Centaure.
En 2008 sur un plateau de cinéma, je leur ai demandé de réendosser leur tenue France Télévision pour retrouver leurs postures, exécuter le mouvement, feinter la
réalité. La caméra c’est l’oeil, la tête, elle cherche et ondule.
Les photos sont là comme un arrêt sur image, elles disent le jeu, la représentation. J’ai voulu qu’elles deviennent affiches, qu’elles retournent à la rue, qu’elles
soient visibles au passant, que la rencontre crée du trouble, de la séduction : objet hors contexte qui échappe à la reconnaissance et au souvenir pour faire naître un nouveau
rapport.
Si l’art n’a d’autre but que de questionner « ce que nous voyons, ce qui nous regarde » (G.Didi-Huberman), alors il est possible que dans cette aventure, la formule
ait trouvé pour moi son sens littéral.